Charlotte Bouvard

Histoire de Maman : Charlotte Bouvard, fondatrice de SOS Préma 


Chaque jour en France, 165 bébés naissent prématurément. Touchée par cet évènement bouleversant il y a 18 ans, Charlotte Bouvard se bat depuis pour que ces tout-petits parfois nés à 24 ou 25 semaines ne soient plus séparés de leurs parents pendant leur hospitalisation. Elle nous raconte son combat pour réunir toutes les énergies autour de ces familles fragilisées. 


Pouvez-vous nous raconter l’histoire de votre reconversion professionnelle et de la création de SOS Préma ? 


Je travaillais en tant que marketing manager dans une société de conseil en management. J’étais dans une phase où j’aspirais à changer de job lorsque j’ai accouché prématurément de mon deuxième fils. 

J’ai été césarisée en urgence le 23 janvier 2004 et, parce qu’il a été transféré dans une unité de réanimation néonatale où il a passé 3 jours, à l’autre bout de Paris, je n’ai rencontré mon fils que 4 jours après sa naissance. Il est ensuite resté hospitalisé pendant un mois, je lui rendais visite quotidiennement. C’était déjà difficile. Mais lorsque nous sommes rentrés à la maison, cela a été encore plus compliqué : il pleurait beaucoup, souffrant de reflux gastro-œsophagien. Pendant 5 mois, il n’a pu dormir que debout (et donc moi, assise). Durant toute cette période, je me suis demandé si quelqu’un allait sonner à ma porte pour m’aider… C’était il y a bientôt 18 ans. Il n’y avait pas d’association, pas de congé maternité ou paternité adapté, pas de visite médicale à domicile après l’hospitalisation. 

Lorsque les choses ont commencé à rentrer dans l’ordre, je me suis dit : « Plus jamais des parents ne doivent se sentir aussi seuls que je l’ai été pendant cette période ». Je suis un peu partie la fleur au fusil mais avec la rage que cela n’arrive plus. Fin octobre, les statuts de l’association étaient déposés. J’ai toujours eu confiance en ce projet, j’ai toujours su que ce serait grand. Toutes les compétences que j’avais développées dans ma vie professionnelle m’ont servi. J’ai décidé de développer l’association autour de trois axes : l’aide et le soutien aux familles, la formation du personnel soignant et le lobbying auprès des pouvoirs publics. Tous doivent faire équipe autour de cet enfant.


Quelles sont les principales préoccupations des parents de bébés prématurés ?


Ils sont bien entendu d’abord soucieux de la santé de leur enfant : va-t-il s’en sortir et comment ? Et puis, rapidement, leur préoccupation devient financière. Des mamans appellent et disent : « Entre l’essence, le péage, la baby-sitter pour l’aîné, parfois la chambre d’hôtel quand je suis trop fatiguée, cela fait trois mois que je dépense l’équivalent d’un Smic pour aller voir ma fille qui est hospitalisée en néonatalogie à 150 km de chez moi. Je ne vais pas pouvoir continuer à lui rendre visite chaque jour. » Beaucoup de papas ont perdu leur travail parce qu’ils sortaient plus tôt pour rendre visite à leur bébé et ne « faisaient pas leur chiffre »… Il y aussi les préoccupations immédiates, au jour le jour : comment faire lorsque l’on accouche de jumeaux, que l’un est hospitalisé et l’autre non ? Et puis certaines mamans se retrouvent perdues, se demandant comment lancer la lactation alors qu’elles ne connaissent pas leur bébé. La France est l’un des pays qui sépare le plus les bébés de leurs parents.


Comment les accompagnez-vous concrètement au quotidien ?


Nous avons mis en place un numéro vert gratuit (le 0800 96 60 60) auquel répondent des parents, deux infirmières puéricultrices, une neuro-pédiatre néonatalogiste et une psychologue spécialisée en psycho-périnatalité. Nous distribuons à l’hôpital 50 000 guides par an, 35 000 pochettes pour les prématurés qui contiennent notamment, grâce à nos partenaires, un guide d’information et de conseils pour les parents, une mini-couche et un gel lavant sans savon. Nous avons aujourd’hui 70 antennes, dans toute la France, avec des bénévoles qui vont au pied des couveuses et récoltent des fonds pour équiper les hôpitaux.


De quelles réalisations êtes-vous particulièrement fière aujourd’hui ?


Je ne parlerais pas de fierté mais je suis très heureuse car la vie des gens change grâce au travail de l’association. L’une des premières avancées a été l’allongement, en 2006, du congé maternité pour les mamans de bébés prématurés. Nous avons aussi obtenu un congé paternité spécifique de 30 jours en cas d’hospitalisation d’un nouveau-né, prématuré ou non. 

Et puis je suis très heureuse que nous ayons réussi à réunir tous les acteurs concernés pour lancer la « Charte du nouveau-né hospitalisé » mercredi 17 novembre. Son principal objectif : éviter que l’enfant ne soit séparé de ses parents. Les études scientifiques sont très claires sur le sujet : ces petits bébés, qui devraient être in-utéro, doivent être protégés, être auprès de leurs parents. Ils ont également besoin que leur environnement soit aménagé : pour un tout-petit, les gestes médicaux, la lumière crue des hôpitaux sont agressifs… 

Nous souhaitons fédérer tous les acteurs pour que les hôpitaux parviennent à appliquer la charte. Ils ont besoin pour cela d’acheter des fauteuils-lits, de pouvoir accueillir les parents dans des salles dédiées. Ils ont besoin de fonds pour financer ces dépenses en achat de mobilier et en aménagement des espaces. J’invite d’ailleurs vos lectrices à signer cette charte. Nous avons besoin de soutien pour interpeler les candidats à l’élection présidentielle et leur dire : on ne veut plus de séparation parent-enfant en France.


Au-delà de cette charte qui signe une réelle avancée, quel est votre prochain cheval de bataille ?


Nous avons annoncé, mercredi 17 novembre, avec le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles Adrien Taquet, le lancement pour 2022 d’un appel à projet qui vise à expérimenter sur trois ans la sortie précoce des nouveau-nés hospitalisés. Les pays scandinaves et les études scientifiques l’ont démontré : lorsqu’ils rentrent chez eux 2 à 3 semaines plus tôt et bénéficient de soins néonatals à domicile, les bébés prématurés ont un meilleur devenir développemental. Finalement, avec tous ces dispositifs, nous nourrissons un même objectif : obtenir que rester auprès de ses parents figure dans les Droits de l’enfant.


Pour soutenir l’action de SOS Prema, faites un don sur le site de l’association et signez la charte du nouveau-né hospitalisé afin qu’elle puisse, rapidement, être mise en œuvre dans tous les services de néonatalogie en France. 


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